Une journée parmi tant d'autres { Sara }

Si le ciel semblait paisible, il existe des conflits qui eux ne le sont pas. A mieux observer les environs, une journée normale s’annonçait. On ne sentait poindre à l’horizon aucune vague perturbatrice qui pourrait mettre à péril cette belle matinée. La capitale offrait sa panoplie d’individus tous plus ou moins différents dans leurs tâches mais tous rattachés à une seule patrie, la leur, celle de Firiel. Si certains s’activaient devant leur échoppe, d’autres pratiquaient ce pour quoi ils étaient payés tandis que plusieurs procédaient simplement à une balade. Il est intéressant de noter les allées et venues au sein de la cité pour en apprendre plus sur un peuple, bien qu’il soit proscrit de passer des vacances en ce lieu, surtout si vous ne défendez pas les couleurs de la nation. En parlant de nation, c’est pour celle-ci qu’oeuvrait la personne marchant au milieu des autres passants dans les rues de Kirflayel. Effectuant une simple tournée de routine sans grand intérêt, elle prenait plutôt soin à admirer ce que pouvaient offrir les vitrines. Simplement, gardant toujours à l’esprit son objectif, elle préférait avoir un œil à travers la foule. Peut-être espérait-elle apercevoir sa famille ? Bien que celle-ci vive reculée, dans un village à quelques pas, ils leur arrivaient de gratifier les lieux de leur présence.

Tout semblait fonctionner aisément. D’ailleurs, son tour était fini et par la même occasion, sa journée. Il n’était pourtant que midi, le soleil flottait haut dans le ciel, affichant ses belles couleurs et ce fut à nouveau dans les rues de la cité qu’elle fut plongée. Emportée par le flot des passants, elle pensa un instant s’arrêter et manger quelque chose. Il y avait du choix et pourtant, ce n'était point dans ses habitudes. On ne peut changer quelqu’un qui défend déjà ses idéaux pouvant citer beaucoup de mots pour contrecarrer un quelconque assaillant qui tenterait de vouloir lui prouver le contraire. Si l’on choisit de lui nuire, elle saura vous le rendre. Laya fait partie de ces personnes qui n’affichent guère leurs opinions de façon explicite mais qui restent campées sur leurs positions. Si vous la cherchez, vous pourriez la trouver. Faire du mal à quelqu’un ? Utiliser une arme ? Voyons, ce n’est pas à la portée d’une dame, on se doit de faire dans la sensiblerie et la sagesse et pourtant, ce ne sont que balivernes à ses yeux. S’il faut tuer et si cela peut apporter une quelconque satisfaction à son rang et les siens, elle le fera et vous gratifiera même d’un charmant sourire pour s’être portée garante d’une tâche primordiale. Il y a beaucoup de choses que l’on ne peut comprendre dans ce monde et cet engouement de la part de la demoiselle en fait peut-être parti…

Seulement, elle n’était pas là pour bavasser au soleil, bien qu’elle le puisse et qu’elle soit en proie à devoir agir comme tout être responsable pendant ses congés, elle aurait voulu une activité, n’importe quoi. Le calme qui régnait ce midi-là ne lui plaisait guère. Se divertir sans divertissements ce n’est point envisageable. Alors, comme beaucoup d’incompris ou du moins le traduisait-elle ainsi, elle posa son regard sur des comédiens qui se donnaient en spectacle sur une place, racontant des histoires de pirates sanguinaires, mimant des chercheurs de trésors, des explorateurs assoiffés de découvertes tant et si bien que l’on aurait pu se prendre au jeu si elle n’avait su qu’ils répétaient dans un local non loin et n’étaient que quelques misérables manants désirant butin pour leurs exploits imaginaires. Cela lui arracha un sourire et, tournant le pas pour emprunter une rue et se rendre dans un établissement qu’elle connaissait assez, le gérant étant un ami de son père et un cuisinier plutôt doué, ce fut par mégarde qu’elle ne vit pas la personne face à elle et qu’on peut le dire, lui rentra dedans.

Bienheureuse de n’avoir heurté qu’une seule personne, ses réflexes laissèrent tout de même présumer qu’elle ne l’avait que heurté, et non tué par inadvertance. Cherchant devant elle la victime de son inattention, quoi que, peut-être résidait-elle au sol, elle reconnut ou plutôt put penser à une jeune femme. Si ce n’est dans ses valeurs, elle laissa traîner sa main dans le vide pour que l’inconnue s’en saisisse pour l’aider à se relever et prononça quelques mots :

« Veuillez m’excuser, ce doit être le soleil qui me fait faire n’importe quoi. Je vous invite à manger pour avoir failli peut-être vous éborgner ? »

Finalement, sa journée rayonnait peut-être. Après quelques rapides conclusions, la personne qu’elle avait renversé n’altérerait pas à son grade, n’étant point une ennemie, semblant étrangère, peut-être venait-elle d’une région reculée de Firiel mais elle n’avait guère le teint de ceux de Numendil. Après tout, il lui fallait bien une distraction et elle trouvait ces acteurs ambulants relativement mauvais.

Prenez un royaume, de notoriété sans précédent, de magnificence comme il n'en existe pas ailleurs, dans un tel endroit, penseriez-vous à vous arrêter sur quelques faits qui n'ont besoin d'attention ? Pour deux personnes ce midi-là, les actions de l'une envers l'autre allaient donner naissance à un bout de chemin ensemble. Le destin serait-il farceur ou le hasard faisait-il donc bien les choses ? Peu peuvent répondre à cette question, cependant, Laya pouvait offrir rédemption à ses fautes en offrant à manger à la victime de ses fautes.

Appelant à la normalité, la journée y ressemblait fortement. Les gestes sont parfois indécis et les actes complètement différents selon les personnes. Pouvant lui ôter un oeil, elle n'avait fait qu'effleurer de par son inadvertance la peau - peut-être majestueuse - de son postérieur fut-il s'il faut princier. Le besoin de se racheter n'est pas commun à tous mais il fait parti intégrante de Laya. Les manières et autres bienséances en agacent plus un mais peuvent ajouter une étincelle de lumière dans la journée d'autres. Ainsi, elle acceptait sa proposition. Voila bien longtemps qu'elle n'avait mangé avec une personne en face d'elle. Préférant sa froideur et son dédain légendaire agir et l'inciter à manger seule que d'offrir sa présence à quelques manants, elle avait donc peu d'ami. Non pas qu'elle en ait besoin. Adepte de son rang, amoureuse de ses positions, il lui suffit d'envisager la simple reprise de ses fonctions par la suite pour lui redonner cet éclat de fouet qui revigore même les mourants. Quoi que pour l'instant, bien qu'elle ne veuille l'avouer, ce serait son estomac sa première occupation. Si l'on désire être performant, il vaut encore mieux offrir repos à celui qui le demande et pour cela, rien de mieux que de prendre congé de ce spectacle attirant de plus en plus foule et de se diriger vers plus " appétissant ".

L'inconnue d'il y a quelques secondes lui tendit sa main. A vrai dire, dans d'autres circonstances, elle l'aurait relégué au rang de simple voleuse méritant les fers à défaut de sa charité bien que charité il n'y avait pas, valeur sûrement. Resserrant l'étreinte sur la main de la jeune blonde, elle prit un instant pour mieux observer la miraculée. Blonde, elle n'avait guère le teint typique des personnes vivants ici et quand bien même, arpentant souvent la ville, les étrangers ayant adopté les coutumes du royaume n'avaient pas ses intonations ni ses expressions. Cependant, tout lui indiquait qu'elle n'était pas non plus de Numendil ou alors cachait-elle bien son jeu et s'il en était ainsi, Laya finirait par s'en rendre compte, du moins, l'espérait-elle. Esquissant donc une ombre de sourire, elle lui indiqua le chemin qu'elle s'apprêtait à prendre avant de tomber sur elle.

« Par ici alors ! Mais j'ai oublié le principal. Je suis Laya et tu t'appelles ? »

Personne ne fit attention à leur départ si ce n'est quelques passants ayant assisté à la scène. Par la suite, elles bifurquèrent dans la rue et suivirent quelques rues parallèles pour enfin arriver devant l'établissement. Il ne semblait point accueillant et pourtant, d'après l'expérience de la cavalière, la cuisine valait le déplacement. Evidemment, si vous préférez le raffinement des légumes, il faudra passer votre chemin, les pro végétariens dehors donc ! Poussant la porte, on aurait cru que l'endroit serait désert et pourtant, les tables étaient remplies, à cette heure-ci, il faisait meilleur vivre dedans que dehors à Firiel, les températures peuvent parfois surprendre bien que la demoiselle y était habituée, sa jeune compagne également apparemment. Se faufilant jusqu'à une table libre, elle s'assit, se préoccupant un instant de savoir si son invitée en faisait de même puis porta son attention sur les attablés qui n'étaient pas toujours tous blancs. Ayant inspecté les lieux sans vraiment d'intérêt pour une rare fois, elle fit signe à l'aubergiste d'approcher et d'apporter en même temps deux cartes pour qu'elles puissent commander. Bien que l'habituée sache de quoi elle se repaitrait, la blonde devait être indécise et surtout ne point connaitre les mets que l'on servait ici. C'est d'ailleurs en jetant un bref coup d'oeil à la carte pour voir si elle changeait pour une fois d'avis qu'elle commanda un pichet d'eau ne sachant si on ajouterait alcool ou autre en plus, elle ne buvait pas, mais elle ne connaissait point les coutumes en Elendi, car ce n'était que de là que pouvait arriver sa victime, enfin, ancienne victime. Ainsi, la curiosité la piquait à vif...

« Prenez ce que vous voulez, j'ai du temps à tuer alors si vous mangez comme un ogre tant mieux. »

Sous cette frasque d'humour douteuse, l'aubergiste se rapprocha pour commander. Laya lui concéda qu'elle prendrait ce qu'habituellement elle choisissait et laissa le temps à son invitée de passer commande tandis qu'elle enchaînait sur tout autre chose, plus sur le ton d'une conversation anodine.

« Vous n'êtes pas de Firiel n'est-ce pas ? Vous êtes en voyage ou venez voir de la famille peut-être ? J'avoue que je n'ai pas vu d'étrangers depuis longtemps. »

Ainsi donc, elle se nommait Sara. A vrai dire, ce nom ne lui parlait guère. Elle n’était donc pas fichée comme une potentielle terroriste qui désirait attenter au bien être du pays. Si telles étaient les choses, la journée pouvait donc se poursuivre tranquillement. Certes son teint ne lui offrait la possibilité d’appartenir aux terres brûlantes mais elle se mouvait cependant avec aisance dans la foule. Aucun curieux n’avait posé regard dans leur direction signe qu’elle n’attirait pas l’attention, voila quelque chose d’appréciable. Il y a bien trop d’étrangers qui pensent ici trouver de si belles choses en tentant de s’en prendre à la population simplement en volant ou autres et ceux-ci finissent inlassablement au cachot. Disons qu’elle n’avait envie d’une telle fin pour sa nouvelle connaissance, c’est pourquoi peut-être avait-elle choisi ce lieu, au cas où.

Elles commandèrent et Sara lui confia son pays d’appartenance. Elle venait donc d’Elendi, voila qui rassurait fortement la jeune cavalière. Ses yeux qui s’étaient voulus peut-être un peu trop inquisiteurs s’offrirent quelques instants de répit, préférant attendre avec impatience le plat qu’elle avait commandé, non pas que la faim puisse lui faire perdre ses moyens mais il est vrai que ne rien avoir pour vous remplir l’estomac pouvait la mettre un tantinet sur les nerfs.

« Je suis enchantée Sara, encore plus te sachant d’Elendi. »

Bientôt, l’aubergiste revint avec en main le pichet d’eau qu’elle avait au préalable commandé mais point de ravitaillements. Grr, parfois, il vaut mieux penser à demander quelque chose pour patienter et leur hôte connaissant les journées de son habituée se hâta alors avec du pain, voila qui était mieux. Par contre, elle se demandait comment Sara trouvait le temps de manger un plat aussi copieux, elle se contentait la plupart du temps de quelque chose de rapide pas très apte à festoyer par tous les temps. Peut-être ne prenait-elle pas assez le temps ? Allez savoir. Quoi qu’il en soit, son invitée semblait agréable de compagnie. Assez douée pour se promener dans Firiel, elle l’impressionnait et sa réponse lui donna matière à réfléchir. Le paysage ? C’est le regard amusé qu’elle détailla les différents morceaux de pain enfin d’en choisir un et de l’éventrer presque pour se saisir de la mie, chose qu’elle faisait à chaque fois. Etirant ses bras, elle poursuivit leur conversation peu entamée sur l’instant.

« Donc ce sont les beautés de Firiel qui te plaisent ? Tu aimes notre royaume ? J’avoue ne jamais avoir été à Elendi, je ne peux donc pas comparer. »

Quelque chose lui plaisait en elle, elle s’était laissée inviter aussi facilement que rapidement à manger, on avait tendance à faire confiance à Laya mais pas autant en règle générale mais qu’elle se soit laissée tenter par la compagnie de cette jeune blonde n’était pas anodin. Outre son air tout à fait innocent, elle aurait peut-être pu en faire n’importe quoi. Bien qu’elle ne soit pas de ce genre, il est vrai que l’on est toujours à l’affût de bons éléments, mais peut-être la jeune femme prenait-elle les choses trop à cœur également…

«  Au fait, je suis soldat donc si tu comptais visiter, je peux nous avoir accès à des endroits interdits au public. Tu aimerais voir quelque chose en particulier Sara peut-être ? »

Toujours préparer son terrain, Laya venait peut-être de trouver l’occupation qui lui manquait aujourd’hui.

Laya écouta les propos que tenait Sara. A vrai dire, peu de choses l'étonnaient, mais à l'entente du nom de son roi, cela l'étonna un peu. Non pas qu'il s'occupe de quelqu'un mais pour beaucoup, les êtres peuplant Firiel se révélaient sanguinaires et sans coeur. Alors, aux annonces de la jeune blonde, elle ne pouvait qu'être fière de voir cette image cassée en deux. Ils étaient chaleureux, en effet, civilisés ? Enormément, et cela lui plaisait. Que d'autres que ceux peuplant ces terres puissent s'amouracher ainsi de leur civilisation était bon signe, peut-être cette image s'ébranlerait-elle au cour du temps ? Il faut toujours un gentil et un méchant au jeu de la guerre, pourquoi serait-il absolument les méchants ? Quand on combat, c'est des deux côtés que cela se passe, chacun à des torts mais également des principes, elle n'abdiquerait pas un quelconque semblant de bonté à l'ennemi alors qu'elle défend les couleurs de sa nation. Certains ne comprendront jamais cela, pourquoi aller au combat quand on peut mener une existence paisible auprès d'un homme ou en tant que simple serveuse dans cet établissement par exemple ? C'était sa liberté à elle en quelque sorte pour raccorder aux propos que Sara eut par la suite, elle ne voulait de cette vie bien rangée et droite que lui souhaitait sa mère, elle préférait l'aventure de ne peut-être pas revenir le lendemain, de risquer sa vie pour une cause, d'offrir ses bras pour défendre ceux qui ne le peuvent, préférer être comme un homme, intrépide et sans reproche, du moins, l'idée que l'on s'en fait. S'il fallait qu'elle tue, elle le faisait, et avec plaisir s'il s'agissait d'un ennemi présumé, ce n'est pas les remords qui l'habitent mais cette envie de faire quelque qui servira.

Acquiesçant d'un sourire les dires de son hôte, elle laissa un instant le brouhaha de la pièce s'installer entre elle pour que leur conversation finisse par s'éteindre, qu'elle arrive aux oreilles des autres ne lui faisait guère envie, juste par souci d'intimité mais les gens d'Elendi semblaient être de bons vivants et d'un côté, elle adorait ça, elle aurait même apprécié tenir ce genre de vie.

« Ainsi, tu connais notre roi ? Et bien, tu es peut-être beaucoup plus hautement gradée que moi dans ce cas. Tu es sûre que tu n'as pas de sang noble ? »

Evidemment, elle plaisantait mais que le roi prenne les attentions nécessaires à son égard témoignait de l'intégrité et de la condition de la demoiselle, elle était donc une personne de confiance ce qui conforta grandement Laya dans le choix de ses partenaires de table. Alors qu'elle l'écoutait parler des filles de son royaume, le plat fut apporté. Interrompant la brune dans ce qu'elle allait dire, elle jeta un rapide coup d'oeil à la commande pour s'assurer qu'il s'agissait bien de ce qu'elle avait commandé et heureusement, tout était là. Bien qu'elle ai une confiance aveugle en le tavernier, les serveurs passaient vite ici et ne restaient jamais très longtemps, autant de se méfier donc parfois de la qualité du service bien qu'elle ne puisse émettre que très peu de plaintes, c'est dommage, un si sordide endroit d'apparence aurait dû receler de mauvais personnages, ça aurait fait un peu d'action mais tant pis !

Le soldat qu'elle était s'accorda le droit de rire à l'évocation de princesses, elle imaginait très bien le topo.

« Figure-toi que ma mère me voyait très bien en princesse. En fait, mon père étant lui-même soldat, il a été plus facile pour moi d'intégrer, ça doit faire un ou deux ans. Pourquoi, vous ne pouvez pas de soldats filles chez vous ? Remarque, nos moeurs sont différentes. »

Il est vrai qu'entre Firiel et Elendi, les choses n'étaient pas vraiment pareil au niveau politique...