Consommation ratée de liberté [Aurora]

Sara était libre. Aussi libre que l'air. Mais la situation dans laquelle elle s'était fourrée était amèrement accueillie. Non mais quelle idée ! Se retrouver au beau milieu de nul part ... Elle avait bien aperçue deux hommes vêtus de noir sur son chemin mais ces types là avaient l'air sacrément louche. Le dos courbé, les bras crispés contre leur poitrine, une sorte de turban autour de la tête avec un oeil brillant et malsain... Un seul oeil, puisque le second était fermé et boursouflé. Enfin, vous voyez le genre. Sans compter leur peau crasseuse et luisante sous la chaleur. Ils avaient l'air d'être dans le coin depuis un très bon bout de temps et sans contact avec la civilisation, l'arrivée d'une jolie blonde devait leur faire tourner la tête. Sara eut une grimace à cette pensée. Répugnant.

Par chance, et lorsqu'elle pensait être arrivé au terme de son triste voyage, s'imaginant déjà que les coyotes s'acharneraient sur son cadavre, elle avait aperçu un Oasis. Son soulagement avait été immense... Mais elle pensa aussitôt que si elle avait décidé de prendre une autre direction quelques heures plus tôt, elle serait certainement encore en train de patauger dans la fournaise de sable qu'était le désert de Firiel. Oui, Firiel avait été son choix de destination. Pourquoi ? A ce qu'on lui avait dit lors de son voyage, ce Royaume était... Brûlant ? Elle comprenait ce terme qui l'avait attirée, à présent.

Elle avait quitté son foyer sans se retourner depuis de longues semaines. Se nourissant de fruit, de nourriture volée un peu au hasard, au détour d'une rue. Elle avait marché plusieurs heures par jour, et entretenait la flamme de sa motivation en s'imaginant accueillie telle une véritable héroïne dans une contrée lointaine. Pour l'instant, elle en était loin, de sa contrée lointaine. Les gens n'étaient vraiment pas commodes avec Sara. Peut-être était-ce à cause de son apparence ? Toujours est-il qu'elle était ici à présent, face à un oasis qui lui promettait soulagement et repos. Enfin en espérant qu'elle n'y recroiserait pas de types louches. De toute façon, elle n'avait pas peur ! Sara Sigfried n'avait peur de rien ! Enfin c'est ce qu'elle se forçait à croire.

Sara reprit sa marche, s'emparant de son bâton tel un pèlerin. Ceci dit, ça ne l'aidait pas vraiment étant donné que celui-ci s'enfonçait autant qu'elle dans le sable. Disons que c’était une aide psychologique. Elle pénétra dans la vaste étendue verte composée de nombreux spécimens d'arbres et de plantes qui lui étaient inconnus et de hautes fougères. L’ombre que les arbres lui offraient alors lui arrachèrent un soupire de contentement et de soulagement. Voilà des jours qu’elle souffrait de brûlures sous le soleil et de déshydratation, qu’elle suait, qu’elle mangeait à peine, tout ses membres lui était douloureux et bien que l’air fut chaud, être à l’abri des rayons du soleil cuisant était une véritable libération. Quelques minutes plus tôt, elle était encore à deux doigts de s’effondrer sous le poids de son périple. Certains n’auraient pu aller aussi loin qu’elle, elle en avait conscience. Si elle était encore en vie, c’était grâce à sa détermination, son sens de l’organisation et son instinct de survie.

Sara marchait toujours. Et tout était toujours aussi vert autour d’elle. Elle espérait ne serait-ce qu’un petit point d’eau pour se rafraîchir. Elle marchait rêveusement quand un craquement l’alerta… tandis qu’elle se retrouva suspendue dans un filet aux cordes aussi épaisses que son poigné. Il lui fallut un moment pour comprendre ce qui venait de lui arriver et sa réaction ne se fit pas attendre : la jeune femme se mit alors à rire, un rire nerveux, dénué de tout humour. Un coup d’œil en bas et elle se rendit compte qu’elle se trouvait à plusieurs mètres au dessus du sol. Son baluchon était resté à terre et avant qu’elle ait pu faire quoi que ce soit pour le retenir, le bâton qu’elle avait relâché une fois prisonnière glissa dans un des trous du filet et tomba. Là, elle se sentait terriblement démunie et elle poussa un cri de colère qui ne devait pas porter bien loin. Nan mais qui était le sauvage qui avait bien pu faire un piège pareil ?! Quand est-ce qu’on la retrouverait ? Allait-elle finir dévorée par une créature hideuse issue des marécages verdâtres et boueux ? Et ce foutu poignard qui lui était tout bonnement inutile ! Elle risquait de le briser en mille morceaux tant les cordes semblaient solides.

Le temps passait et Sara restait là… La nuit commençait à tomber et un vent frais commençait à se disperser un peu partout. Mais Sara n’en était plus là. A moitié évanouie, crevant de faim et de soif, elle se balançait inconsciemment, comme si elle berçait la venue de sa mort imminente. Son beau visage à moitié brûlé par le soleil du désert était dénué de toute expression… Seules ses lèvres dessechée semblaient sourire, allez savoir pourquoi. Ses yeux étaient fermés, sa respiration inaudible. Qui la regretterait ?

Le jour était enfin venu. Avec quelques amis, Aurora allait enfin pouvoir aller chasser quelques minotaures dans les Plaines de la Mort. La saison des amours était supposée être terminée et la loi interdisant la chasse de ses bêtes pendant cette saison était levée. Il rejoignit ses amis en bas du Palais. Il était le dernier, comme toujours... Ce n'est pas parce qu'il était roi qu'il se permettait d'arriver en retard, c'est juste à cause d'un fichu souci du détail qui ne le quittait pas, qu'il fallait qu'il vérifie tout plusieurs fois.

Lorsqu'il sortit par une petite porte sur le côté des grandes portes, la première chose qu'il vit ce fut Derek qui cacha son arme derrière son dos. Le roi ne dit rien et se contenta de lui faire un sourire moqueur. Il lui sembla que son ami avait comprit le message car il avait à présent un air dépité. Il faudrait que Aurora lui remonte le moral si il ne voulait pas se trimbaler une personne qui tirait le gueule pendant tout le voyage. Aurora n'avait jamais beaucoup aimer l'arme de son ami et ce dernier le savait très bien. C'était une arme fabriquée par son père forgeron - de très belle facture, il n'avait rien à redire là dessus - le seul bémol de cette arme c'était qu'elle lui était complétement inutile car il ne savait pas la manier convenablement. Il faisait de grands moulinets au dessus de sa tête alors que c'était une arme destinée à couper les jambes des adversaires... Ses amis avaient, eux aussi, essayé de lui expliquer le fonctionnement de cette arme, mais il était totalement borné et refusait d'entendre quoi que ce soit. Pour finir, ils avaient laissé tomber. Heureusement, Derek ne prenait pas cette arme à la guerre, c'était juste lors des sorties qu'il faisait avec ses amis.

Le groupe marcha pendant 2 jours entiers sans faire beaucoup de haltes. Ils n'avaient emmené qu'un seul chameau par personne et deux supplémentaires qui portaient leurs affaires, car le voyage était trop pénibles pour les chevaux dans ces régions de Firiel. Beaucoup mourraient de chaud ou de soif, seul les meilleurs résistaient mais ils n'avaient pas envie de prendre le risque. Il fallait qu'ils placent les pièges pour les minotaures vers les oasis où ils venaient s'abreuver. Au cinquième jour de leur périple, ils avaient placé plus de 15 pièges, plutôt près des montagnes puisque c'était là qu'ils vivaient. Les pièges étaient en fait des filets avec des cordes très épaisses accrochés aux arbres proches des points d'eau. Muni d'un mécanisme déclencheur pour le piège se referme rapidement sur la proie, les cordes étaient enfouies dans le sable de façon à ce que les bêtes ne s'en aperçoivent pas. Le groupe formait une boucle avec les pièges pour que lors de leur deuxième passage ils puissent récupérer les minotaures pris dans les filets. Certaines fois les cordes étaient cassées à leur arrivée, mais la plupart du temps, elles résistaient assez bien.

Aurora se trouvait au centre du groupe et riait de bon cœur sur une blague de Malya, lorsque deux de ses amis sautèrent de leur monture pour courir vers un piège qui avait visiblement bien fonctionné. Les 18 autres, restés sur leur chameau virent le piège au loin sans distinguer la grosse masse noir censée se débattre à l'intérieur du filet. C'est justement ce qui avait interloqué les deux soldats qui avaient couru jusqu'au piège. Peut-être était-ce un petit, sans quoi il faudrait le relâcher puisque la loi interdisait de capturer les bébés minotaures, seuls les adultes avaient le droit d'être chassés. Les deux soldats arrivés vers le piège firent de grands gestes vers leurs camarades pour qu'ils se dépêchent de venir. Ces derniers, interloqués, lancèrent leurs chameaux au trot. Ils arrivèrent à l'oasis et eurent un choc. Ce n'était pas un bébé minotaure qui s'était fait prendre par le filet mais une jeune fille blonde. Le roi reprit vite ses esprits par rapport à ses compagnon qui ne savaient pas quoi faire.

Mais détachez-la, allez, vite !

Ses compagnon reçurent comme une claque en plein visage et firent ce qu'il avait dit. Cette situation ne s'était jamais produite car ils laissaient toujours la corde pendre au dessus du piège pour indiquer son emplacement aux voyageurs occasionnels. Les minotaures n'étaient pas assez intelligent pour se rendre compte de quoi que ce soit. Une fois le piège descendu, ils essayèrent de faire reprendre conscience à la jeune femme visiblement endormie à cause de la chaleur. Ils la transportèrent à l'oasis et la plongèrent graduellement dans l'eau. Elle resta dans l'eau pendant dix minutes avant d'ouvrir les yeux. Elle avait l'air un peu perdue et tout le monde la bombardait de question, ce qui n'arrangeait pas son état. Deux hommes l'aidèrent à s'assoir en attendant qu'elle daigne bien parler.

Sara était insconciente depuis deux bonnes heures et ne se rendit pas compte de ce qui se passait autour d'elle. Son visage était d'une couleur étrange, partagé entre les brûlures rougeâtres sur son nez et ses pommettes, et le blanc pâle et maladif suite à son malaise. Elle avait l'air tout à fait fragile et complètement désarmée. Il était évident que sa vie reposait maintenant entre les mains des hommes qui s'afféraient à la libérer de leur piège qui avait bien faillit lui être mortel.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle avait à peine conscience de où elle se trouvait et de ce qui lui était arrivé. Des flashs aveuglants persistaient devant ses yeux, l'empêchant de réfléchir distinctement ou de dicerner qui se trouvait à ses côtés. Elle n'eut pas la force de bouger, entre-ouvrit juste les yeux pour tenter vainement d'y voir quelque chose. Lorsqu'elle remua faiblement, elle entendit cependant clairement les clapotis de l'eau dans laquelle elle semblait se trouver. Ce ne fut alors qu'à ce moment qu'elle ressentit cette fraîcheur dans laquelle son corps se baignait. Elle voulu prononcer quelques mots mais en fut bien incapable. Plus elle reprenait ses esprits, plus les voix fortes de plusieurs hommes venaient lui vrier les tympans. Oui, ils étaient nombreux, et elle était entourée de toute part. Des hommes ! Il ne manquait plus que ça. Et ce fut le peu de force qu'elle avait qui l'empêcha de rougir violemment. Il fallait qu'elle réagisse. Elle ignorait s'ils étaient bons ou mauvais et quelles étaient leurs intentions, ni à quoi ils ressemblaient. Le passage de sa rencontre avec les deux crasseux à moitié borgnes sur sa route vers l'oasis lui traversa l'esprit et lui fit l'effet d'une décharge électrique. Elle oublia qu'elle avait été mourante (ou qu'elle l'était encore ?), qu'elle était seule et désarmée car elle ignorait où ils avaient pu déplacer son vieux poignard et son bâteau, et étaient bien décidée à fuir... Et oublia également que la chaleur avait dû lui arranger un peu le cerveau et qu'elle pouvait peut-être voir un danger là où il n'y en avait aucun.

Elle eut un sursaut violent, arrosant la plupart des personnes autour d'elle et secoua énergiquement les bras pour repousser ceux qui en vérité la tenait afin de la garder seulement à moitié immergée et afin que personne ne puisse l'approcher. Ensuite elle pataugea tant bien que mal quelques instants pour sortir de l'eau. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises pour essayer de dicerner ce qui l'entourait et apperçu la silouhette de nombreux hommes tout autour d'elle. Elle fit quelques pas, maladroite, se gardant cependant de les approcher. Elle était courbée, comme pour se défendre et gardait les mains écartées devant elle.

Elle avait vraiment l'air d'une sauvage. Ses cheveux étaient gras en plus d'être mouillés et les mêches qui n'étaient pas tressées collaient à sa peau, ses joues, son cou, son front et la façon dont elle se tenait donnait l'impression d'une bête sur le point d'attaquer. Son beau visage sans défaut était méconnaissable, privé de toutes couleurs et déformé par une expression partagée entre la terreur, la hargne et la méfiance, à telle point qu'on aurait pu la trouver... laide. Elle balbutia un instant, sans réussir cependant à s'exprimer car elle semblait avoir perdue sa voix. Après quelques efforts, elle réussit à lâcher un petit couinement de souris. Puis en se forçant d'avantage, elle réussit enfin à murmurer de façon pourtant audible à l'oreille des hommes les plus proches d'elle, d'une voix obstruée par des tremblements :

- Je vous préviens ne m'approchez pas ...

Aurora se retenait de ne pas rire devant le spectacle qu'offrait à elle seule la jeune femme. Il la regarda plus attentivement maintenant qu'elle s'était maladroitement levée. Elle semblait jolie, mais ses cheveux crasseux et son teint indéfinissable la rendait plutôt quelconque. Elle semblait apeurée, mais consciente de ce qui se passait autour d'elle, bien qu'elle ne semblait pas savoir qui était le groupe de soldats ni ce qu'ils lui voulaient. Ses lèvres bougèrent faiblement et des sons semblèrent en sortir, mais comme tout le monde tournait la tête vers Aurora avec un air interrogateur - comme si il avait pu entendre mieux qu'eux alors qu'il était en retrait - il se dit qu'il devrait peut être prendre la parole. Il se leva, ajusta les plis de sa tunique et s'avança lentement vers la jeune femme avec un sourire bienveillant. Il s'arrêta à environ trois mètres de l'inconnue et passa la main dans ses cheveux pour les remettre comme il fallait (soucis du détail...) avant de lever les yeux sur elle.

- Je suis désolé mais nous n'avons pas compris ce que tu as dit. Quel est ton nom ? enchaina-t-il après une courte pause.

Elle venait de se réveiller et il ne savait pas si elle avait complétement reprit ses esprits pour pouvoir suivre une conversation ou pas, alors il préféra ne pas trop en demander pour l'instant. Peut-être qu'en se présentant il gagnerait un peu sa confiance, il ne perdait rien à essayer.

- Je suis Aurora, et, eux, ce sont mes amis, lui expliqua-t-il en balayant ses camarade du revers de le main. Nous ne te voulons pas de mal, viens t'assoir, tu dois avoir faim ou soif, non ?

Il s'assit sur un rocher derrière lui et invita la jeune femme à faire de même sur un plus petit rocher à côté d'elle, mieux valait qu'elle ne les approchent pas encore trop vu qu'elle n'était pas en confiance.
Les filles allèrent chercher de quoi manger dans les sacs accrochés aux chameaux et revinrent vers le groupe. Elles déposèrent la nourriture sur des grandes feuilles de palmier à même le sol et le groupe se disposa en arc de cercle autour de la nourriture, en veillant à ne pas trop approcher la jeune femme. Les femmes du groupe qui ne s'étaient pas manifestées pour aider l'inconnue jusque-là, lui portèrent soudain un intérêt particulier. Franchement les femmes sont indéchiffrables pensa Aurora en voyant Marie, Malya, Yanie, Cybille et Aimie tendre une assiette à l'inconnue. Deux hommes se tenaient discrètement prêts à courir après la jeune femme au cas où elle déciderait de tenter une autre traversée du désert en solitaire, sans eau et sans nourriture...

[ Je suis désolée, j'avais zappé la dernière phrase de ton poste précèdent
"Deux hommes l'aidèrent à s'assoir en attendant qu'elle daigne bien parler." ]

Citation :: - Je vous préviens ne m'approchez pas ...

Lorsqu'elle prit la parole, personne ne lui répondit, personne n'eut de mouvement de recul ( comme si elle espérait qu'ils seraient pris de peur et s'enfuiraient en courant devant la menace sous-entendus par " je vous préviens " ). Elle remarqua que toutes les têtes se tournaient vers un seul homme, en retrait du groupe.

La vue de Sara s'arrangea légèrement, à mesure qu'elle s'habituait aux ombres et qu'elle suivait les mouvements de chacun. Il faisait nuit, certes, mais le ciel sans nuage permettait à la lune de les éclairer presque parfaitement. C'était d'ailleurs presque iréel. Mais ainsi, elle put commencer à dicerner les visages de chacuns d'entre eux. En regardant autour d'elle, toujours sur la défensive, elle remarquait que quelques femmes se trouvaient plus loin. Des esclaves ? Des prisonnières ? Dieu sait ce qu'elles avaient déjà pu vivre, les pauvres ! Bien sûr Sara se trompait sur toute la ligne.

L'homme en question finit par se lever, ajusta les plis de sa tunique... Et quelle tunique ! Un homme riche bien entendu, qui se permettait donc de s'offrir les faveurs de pauvres femmes et d'hommes prêts à donner sa vie pour lui. Un bougre. Sara le regarda s'avancer vers elle à pas lents, avec un sourire que la jeune femme qualifia de tout sauf de bienveillant. Il s'arrêta à environ trois mètres d'elle. Peut-être les avait-elle impressionné ? Peut-être avaient-ils peur de l'approcher ? Du haut de ses un mètre soixante, ce n'était bien évidemment pas le cas, mais Sara avait l'arrogance d'y croire. L'homme qui s'était avancé vers elle se passa une main dans les cheveux, ce qui eut pour effet d'exaspérer la jeune femme.

- Je suis désolé mais nous n'avons pas compris ce que tu as dit.
Quel est ton nom ?

Sara eut instinctivement un mouvement de recul quand il prit la parole. Son nom ? La jeune femme décrocha un sourire sarcastique. Ce fut plus fort qu'elle. Comme si elle allait lui donner... Voyant qu'elle ne répondait pas, l'inconnu continua.

- Je suis Aurora, et, eux, ce sont mes amis. Nous ne te voulons pas
de mal, viens t'assoir, tu dois avoir faim ou soif, non ?

Aurora. Humpff... Au moins avait-il la délicatesse de se présenter. Et ses amis... Ben voyons. Et puis il l'informa qu'ils ne lui voulaient aucun mal. Il avait l'air sincère dans ses propos. Lorsque l'inconnu lui proposa de s'assoir et lui demanda si elle avait faim ou soif, elle sentit ses remparts s'effondrer lentement. Sara et la nourriture... Quelle grande histoire. Sans oublier qu'à ce moment précis, manger lui était vital. Elle hésita longuement, pensant le pour et le contre, et pendant ce temps, il y eut de l'animation. Tandis qu'il lui montrait un petit rocher à côté d'elle qui pourrait lui servir de siège et que lui même s'installait à quelques mètres d'elle (Sara remarqua qu'il prenait le soin de mettre de la distance entre eux, ce qui la rassura), les jeunes femmes qu'elles avaient vu précèdemment s'approchèrent d'eux. Elles déposèrent de la nourriture sur des grandes feuilles de palmier et tout le groupe se disposa en arc de cercle autour d'elles. Contrairement à ce qu'elle avait pensé, Sara remarqua que les femmes en question n'avait pas l'air le moins du monde malheureuse. Elles s'asseyèrent parmis les hommes, comme s'ils étaient leur égal. Ce qui eut pour effet de déconcerter Sara et l'image qu'elle s'était faite du groupe d'inconnus.

Et puis deux des femmes tendirent une assiette à Sara. Celle-ci, hésitante, balbutia un merci qu'elle voulu chaleureux mais qui, une fois de plus, fut parcouru de tremblements. La jeune femme les remercia également intérieurement d'être aussi prévenantes : elle n'aurait jamais eu le cran de se servir elle-même. Elle ne se sentait pas à sa place et était terriblement gênée parmi ces gens, bien qu'elle n'était plus aussi méfiante qu'auparavant. Ils étaient civilisés et lui venaient en aide... Cela ne l'empêcha pas de ne pas toucher à son assiette, estimant qu'elle devait y être invitée. Elle tentait de ne pas prendre en compte les crampes dans son estomac qui se faisaient de plus en plus insistantes.

En attendant, elle écarta timidement ses cheveux de son visage, laissant découvrir ses traits si charmants soient-ils, mais également les mauvaises brûlures dûes à son voyage. Elle restait silencieuse. C'était certainement très mal poli (Sara ne prenait habituellement jamais la peine de savoir ce qui était poli ou non) et savait qu'elle devrait faire un effort.

- Je suis Sara.

Ces quelques mots lui avaient échappés très vite. Mais elle était encore trop mal en point et n'avait pas encore pris assez d'assurance pour se lancer dans une conversation.

Aurora observait la jeune femme tout en mangeant un bout de pain et du fromage. Ses amis lui avaient bien proposé quelque chose de meilleur mais il avait tout refusé pour les laisser à l'inconnue, tout comme quelques autres personnes. Il guettait une réaction de sa part, mais comme rien ne venait, le roi se demanda si elle n'avait pas perdu subitement sa langue. Et bien non, car au moment ou il tendait la main pour prendre un couteau par terre, elle prononça quelques mots. Aurora stoppa net son geste et releva les yeux sur elle, en même temps que toutes les autres personnes d'ailleurs.

-Eh bien elle a quand même un nom, tu vois Aurora, se moqua Derek en faisant un clin d'œil à l'intéressé.

-Mais je n'en doutait pas un seul instant mon ami, répliqua-t-il sur le même ton.

-Maintenant Sara, il faut que tu mange, sinon tu ne tiendra plus très longtemps debout, lui enjoigna Aimie de sa douce voix. D'où viens-tu au fait ?

Pendant que ses amis s'occupaient de Sara, Aurora essayait de savoir ce qu'il pourrait bien faire d'elle. Il lui paraissait évident qu'ils ne pouvaient pas la laisser ici. Ils pourraient la raccompagner d'où elle venait, encore faudrait-il savoir d'où elle venait, mais ça, Aimie s'en occupait déjà. Ils pourraient aussi lui donner de la nourriture et des boissons si elle voulait continuer son chemin en solitaire. Ou alors ils pourraient la ramener à Kirlfayel. Parmi tout ces choix, la dernière option lui semblait la plus appropriée car elle ne risquerait pas de se faire attaquer par une bande de kobolds en pleine nuit, ni de se faire courser par un minotaure affamé et elle aurait de quoi se reposer une fois à la cité.

Pendant qu'il réfléchissait, Aurora s'était levé et avait marché jusqu'aux chameaux restés un peu plus loin. Lorsqu'il reprit contact avec la réalité, il se demanda ce qu'il était venu faire ici. Soudain, ça lui revint. Il était inconsciemment allé chercher une petite fiole dans le sac de l'un de ses compagnon médecin. Il ouvrit la main et découvrit le flacon bleu azur avec des gravures sur les côtés, remplit aux trois quart d'un liquide très fluide. Content de lui il retourna s'assoir avec les autres. Il fit passer la fiole à sa droite, de main en main. Elle arriva vers Aimie qui la reconnut tout de suite et soupira d'indignement.

-Non mais t'es malade ? Tu ne veux quand même pas lui faire boire ça ?!

-Et pourquoi pas ? Ça ne peut pas lui faire de mal.

-Parce qu'elle n'est... Oh et puis laisse tomber, de toute façon j'aurai tord. Tiens Sara, bois ça, lui dit-elle sans plus de manière en lui tendant la fiole.

Un sourire flottait sur les lèvres du roi et de quelques uns de ses compagnons qui savaient ce que contenait la fiole. Aimie par contre n'avait visiblement pas envie de rire, elle devait trouver ça vraiment stupide. La fiole contenait un alcool très fort qui pouvait revigorer à peu près n'importe qui ou quoi. Il suffisait d'en boire quelques goutes pour être en pleine forme en à peine quelques minutes. Il ne restait plus qu'à prier pour qu'elle ne boive pas tout d'un coup, sinon elle serait shootée pour deux ou trois jours...

Bien que Sara eut la tête baissée, elle sentit parfaitement tout les regards se poser sur elle au moment où elle ouvrit la bouche pour se présenter. De toute façon, elle s'y était attendue... Et elle serait certainement également observée sous toutes les couturs durant les minutes, voir les heures à venir. Elle était l' "étrangère".

-Eh bien elle a quand même un nom, tu vois Aurora.
-Mais je n'en doutait pas un seul instant mon ami.

Sara, qui se contentait d'écouter minutieusement ce qui se passait autour d'elle tandis que ses yeux étaient fixés au sol, entendit distinctement ces mots, pourtant prononcés à quelques mètres d'elle. Elle se crispa un peu plus. Elle avait l'impression de louper une plaisanterie malvenue chez les deux inconnus.

- Maintenant Sara, il faut que tu mange, sinon tu ne tiendra plus très longtemps debout...

Une douce voix vint l'interrompre dans ses pensées et, par réflexe, Sara releva la tête. La femme qui venait de s'adresser à elle était la seule qui s'était installée à proximité, ce qui ne dérangea pas la petite blonde. Une présence féminine à ses côtés n'était pas de refus. De plus, Aimie avait l'air particulièrement douce et amicale. La jeune femme lui annonça qu'il fallait qu'elle mange et Sara hocha la tête pour toute réponse. Timidement, elle prit une sorte de fruit orange qu'elle s'efforça de couper en tranches. Elle le porta à ses lèvres sèches qui piquèrent aussitôt à cause de l'acidité, mais elle fut très vite omnibulée par le goût sucré qui envahissait sa bouche et qui lui faisait un bien fou ! Aussitôt, elle sembla même reprendre quelques couleurs.

- D'où viens-tu au fait ?

Sara s'interrompit dans sa dégustation pour répondre doucement à son interlocutrice. Curieusement, elle n'éprouvait aucune méfiance envers elle. Mais elle allait certainement se demander ce que Sara foutait ici, d'autant plus qu'elle paraissait plutôt jeune, pas tout à fait femme.

- Je viens du Royaume d'Elendi ...

Elle allait continuer quand elle apperçu celui qui semblait être le chef du groupe revenir auprès d'eux avant de faire passer une fiole de main en main. Sara fronça les sourcils quand elle apperçu l'objet se rapprocher d'elle. Lui était-il destiné ? Ses doutes furent très vite confirmés lorsque la femme près d'elle se mit à s'énerver. Apparemment, elle n'était pas d'accord avec l'homme vêtu de cette magnifique tunique... Et bien qu'elle se laissa convaincre et tendit la fiole à Sara en lui disant de boire le liquide parfaitement inconnu qu'elle contenait, la jeune femme s'en saisit et regarda l'assemblée autour d'elle d'un air étrange.

Bien que tous fut parfaitemement calme, une sorte d'animation semblait rêgnée sur le demi-cercle d'inconnus. Dans certains regards, Sara perçut même une lueur d'excitation. D'autres semblaient attendre avec impatience que la jeune femme se décide. A partir de là, il était bien évidemment exclue pour la blonde de boire le contenu de la fiole. Elle posa calmement sur le sol l'assiette posée sur ses genoux puis fixa Aurora droit dans les yeux tout en se levant... Puis elle lança la fiole dans sa direction.

- Buvez donc ceci vous même.

Les tremblements de sa voix avaient disparus et elle était à présent ferme. Sara ignorait ce que contenait la fiole, peut-être une drogue ? En tout cas, rien qui n'aurait pû lui rendre service, étant donné la réaction de sa voisine, qui, elle, savait de quoi il s'agissait. Elle était peut-être gênée en ces lieux, mais avait bien trop de fierté pour se laisser tourner en ridicule par un homme qui se croyait tout permis parce que riche, sans doute.

La jeune femme posa les mains sur ses hanches, sans paraître le moins du monde hostile. Elle avait l'air plutôt beaucoup moins fragile qu'auparavant et relativement sérieuse. Bien sur elle était loin d'être au meilleur de sa forme mais Sara s'efforçait de se montrer dûre. Elle plissa les yeux, cherchant sur le sol, un peu plus loin, ses armes.

Aurora rattrapa la fiole d'un geste vif avant qu'elle ne passe au dessus de sa tête. Il ramena sa main contre son ventre en gardant le poing fermé sur la fiole. Cette jeune femme semblait fragile aux premiers abords, mais elle avait prit de l'assurance en quelques minutes. Ce n'était plus la petite blonde qui sortait du filet, c'était la petite blonde à l'air méchant. Elle venait d'Elendi, avait-elle dit, elle devait donc avoir une peau très difficile à entailler lorsqu'elle se battait, mais les pouvoirs Elendiens n'étaient pas faits pour la guerre. Il n'y avait donc pas grand chose à craindre d'elle. Il l'avait jugé de haut en bas en faisant cette analyse, avec un regard tout à fait sérieux. Elle semblait sûr d'elle et bien décidée à ne pas se laisser tourner en ridicule face au groupe. Aurora n'avait donc pas d'autre choix que de boire l'alcool, d'une part pour montrer sa bonne fois à Sara, et d'autre part pour montrer l'exemple aux autres. Il se leva lentement et fit trois pas en avant pour se retrouver au centre du cercle.

-Bien, qui me passe une cuillère ?

Derek lui tendit immédiatement une cuillère et Aurora tendit le bras pour s'en emparer. Il détailla la cuillère d'un peu plus près. C'était une cuillère en argent finement ouvragée qui comportait des motifs sur le manche.

-Tu n'aurais pas pu trouver plus... sobre ? lui lança-t-il sans même le regarder.

-C'est la première que j'ai trouvé, répondit le bout-en-train d'un air innocent.

Aurora se retint de ne pas lui faire une remarque désobligeante. Il retira le bouchon de liège de la fiole et en versa quelques gouttes dans la cuillère. Des ondes se formaient à la surface de la goutte de liquide doré à chaque légers tremblements de la main du roi. Il passa la fiole ainsi que le petit bouchon à son camarade le plus proche qui la referma. Il regarda l'alcool bouger dans la cuillère au rythme des mouvement de sa main avant de porter la cuillère à sa bouche. Lorsque ses lèvres se refermèrent sur l'alcool, Aurora s'efforça de paraitre bien alors que sa bouche était en feu. Il avala rapidement les quelques gouttes pour en finir au plus vite, car ce n'était pas un alcool qu'on gardait en bouche si on tenait à ses papilles gustatives. Un frisson de chaleur parcourut tout son corps de haut en bas lorsqu'il déglutit. Il avait l'habitude de boire de l'alcool, mais celui-ci lui faisait toujours le même effet, ainsi qu'à tous ceux qui en buvaient.

-Excellent, dit-il la gorge en feu avec une voix un peu trop aiguë.

Ses amis éclatèrent de rire, chose dont il ne leur tint pas rigueur. Il se secoua la tête pour estomper les effets de l'alcool qui, malheureusement, dureraient encore pendant une heure ou deux. Korem lui tendit une gourde d'eau qu'il accepta avec plaisir. Il retourna s'assoir à sa place et but de l'eau à grandes gorgées. Pendant qu'il buvait, la fiole passait de nouveau de main en main et lorsque qu'il rebaissa les yeux, il vit qu'elle arrivait vers Sara.

-Tu vois, il n'y a pas de danger, c'est juste une boisson pour te remettre sur pieds. À propos, que veux-tu faire, où veux-tu aller ? Nous, nous retournons à Kirflayel dans quatre jours après avoir relevé les derniers pièges. Si tu veux, tu peux venir avec nous.

Puis il se rappela que Sara avait regardé derrière lui à un moment. Pour quoi faire ? se demanda-t-il. La réponse lui vint soudain, comme une étoile qui s'allume dans le ciel noir.

-Si c'est tes "armes" que tu cherchais avant, nous les avons déjà accrochées sur les chameaux, dit-il comme si il savait déjà qu'elle allait venir avec eux. En même temps, elle n'a pas trop le choix, se dit-il.

Sara attira de nouveau son attention sur le chef du groupe lorsque celui-ci attrapa la fiole d'un geste vif. Il ne semblait pas mécontent du refus de la jeune femme, plutôt déterminé à attirer sa sympathie. Ce qui, pour l'instant, était loin d'être le cas. Elle le vit la juger de haut en bas ce qui eut don d'accroître son énervement. Non mais pour qui se prenait-il ? Fallait-il encore qu'elle lui fasse la danse du ventre ? D'ordinaire, Sara était loin de s'arrêter sur ce détail qu'était le regard d'un homme sur elle, mais être lorgnée ainsi, à la vue d'une troupe à l'apparence de soldat... elle se retenait clairement de piquer un phare.

Puis l'inconnu se leva lentement et avança de quelques pas au centre du cercle et Sara prit soin de reculer également, de sorte qu'il n'était pas plus près d'elle qu'auparavant, que cela ai été le but de la manoeuvre ou pas.

- Bien, qui me passe une cuillère ?

Une cuillère ? Est-ce qu'il avait l'intention de lui enfoncer dans le gosier de force ? Non, un homme avec une classe naturelle de la sorte ne se serait pas permis un geste pareil. Alors peut-être allait-il lui même boire le contenu de la fiole ? Certainement, de toute évidence. "Monsieur" en revanche prendrait soin de le boire à la petite cuillère. Et heureusement que Sara n'avait pas touché à la fiole car, sans savoir, elle aurait certainement bu TOUT son contenu. Sara observait la scène sans dire un mot, se demandant l'effet que le mélange aurait sur l'inconnu.

- Tu n'aurais pas pu trouver plus... sobre ?

La jeune femme eut un sourire niais à ces mots. Comme si la sobriété était de partie chez cet homme ! Elle ne fit pas attention à la réponse qui lui fut donnée, les yeux fixés sur la cuillère que le leader tenait à la main. A la regarder de plus près, on aurait pu croire que son esprit était complètement ailleurs, ce qui était pourtant faux. En réalité, Sara s'acharnait sur ce couvert car elle savait que d'un instant à l'autre, tous les visages se tourneraient vers elle afin d'être témoin de sa réaction.

Enfin, l'homme finit par porter une cuillère pleine à ses lèvres et Sara eut à coeur d'identifier chacunes de ses expressions. Elle se rendit bien vite compte que le liquide n'était pas innofensif car la teinte de peau de l'inconnu vira légèrement au rouge. Puis il prit la parole après avoir déglutit.

- Excellent.

Et pourtant, cela sonnait complètemet faux ! Sa voix était anormalement aiguë, contrairement à quelques instants plus tôt et des rires fusèrent de tout le groupe. Sara, quant à elle, sembla également se dérider un peu, satisfaite que l'inconnu n'est plus l'air aussi parfait. Il secoua la tête tandis que l'un des hommes lui tendait une gourde qu'il accepta avec plaisir apparemment. Puis la fiole tourna de nouveau de main en main et Sara la vit de nouveau venir vers elle, exaspérée. Lorsque sa voisine la lui tendit une nouvelle fois, la jeune femme contempla l'objet d'un air douteux.

- Tu vois, il n'y a pas de danger, c'est juste une boisson pour te remettre sur pieds. À propos, que veux-tu faire, où veux-tu aller ? Nous, nous retournons à Kirflayel dans quatre jours après avoir relevé les derniers pièges. Si tu veux, tu peux venir avec nous.

Sara leva les yeux vers son interlocuteur en prenant, paradoxalement, la fiole entre ses mains. La jeune femme n'était pas encore assez en confiance pour accepter la proposition de l'homme. Cependant, après la voix aiguë qu'il avait eu, Sara avait bien plus de mal à le prendre au sérieux et l'inconnu lui semblait donc, de par ce fait, beaucoup moins imposant et dangeureux. Peut-être même semblait-il bienveillant. Elle réfléchissait rapidement à ce qu'elle allait lui répondre mais celui-ci continuait déjà :

- Si c'est tes "armes" que tu cherchais avant,
nous les avons déjà accrochées sur les chameaux.

Ha bon ? Et en quel honneur ? La jeune femme restait ceptique. Reprenant ses réflections, elle dû bien admettre que la proposition de l'homme était assez intéressante. Sara se considérait comme aventurière, elle voulait connaître de nouveaux lieux, paysages, de nouvelles civilisations, et pourquoi pas vivre des situations à risques ? Bien sûr elle venait de frôler la mort mais elle n'en démordait pas pour autant. Et puis, en revoyant la scène, le comportement des personnes qui l'entouraient n'avait pas été une seule fois aggressif. Ils n'avaient même pas l'air mécontent d'avoir croisés une pauvre victime prise dans leur piège... De plus, Sara avait conscience qu'une fois qu'elle serait décrassée et apprêtée et qu'on remarquerait son apparence plutôt très charmante, de nouvelles portes pourraient également s'ouvrir à elle. Il ne s'agirait alors plus que d'un bref passage dans le lieu nommé Kirflayel, mais aussi peut-être d'un petit séjour sur place destiné à faire tourner les têtes des hommes. Cela risquait d'être amusant et on parlerait d'elle, qui plus est. Elle se décida donc à prendre la parole pour faire part de ses opinions, d'un ton clair et beaucoup plus naturel.

- Très bien, j'accepte de vous suivre.

Sara s'avança vers l'inconnu et remit la fiole elle-même entre ses mains cette fois. Ce bref contact décontenança la jeune femme qui mit quelques secondes à reprendre le cours.

- En revanche je ne suis toujours pas convaincue, même après votre charmant numéro... et je ne pense pas en avoir l'utilité.

Elle désigna la fiole d'un bref geste de la main.
D'un ton plus bas et hésitant elle continua :

- Mais je vous remercie.

Lorsqu'elle eut achevés ces mots, elle retourna au rocher qui lui servait de siège et reprit l'assiette entre ses mains. Même si le contenu de la fiole était destiné à la remettre sur pied d'après les dires du leader, elle préférait de loin continuer à manger ses fruits frais et pleins de vitamines.

Aurora fut content que l'Elendienne accepte de les suivre, mais quand même un peu attristé qu'elle ne veuille pas boire le petit remontant. Il referma se doigts sur le flacon lorsqu'elle le lui remit dans les mains. Il y eut un bref contact entre eux, mais le roi, déjà occupé à ranger la fiole dans l'une de ses poches, ne remarqua pas que la jeune fille était quelque peu décontenancée.

- Mais je vous remercie.

Il lui adressa un léger signe de tête montrant qu'il acceptait le compliment. Dans sa tête les choses à faire se bousculaient. Ils devaient encore relever sept pièges et pour l'instant ils n'avaient pas encore attrapé une seule bête.

Mais pour l'instant une autre chose urgeait, il fallait que Sara prenne un bain. Il la regarda brièvement avant de s'intéresser à une pierre sur le sol et sa vision confirma sa pensée. Elle était crasseuse, brulée, ses vêtements étaient légèrement déchirés, probablement à cause de diverses chutes, et elle avait l'air un peu fatiguée. Aimie avait l'air d'avoir noué des liens avec elle, ou en tout cas, elle s'entendaient bien. Il la prit donc à part pour lui expliquer la situation.

- Viens avec moi, il faut que je te parle, lui souffla-t-il à l'oreille.

Pendant qu'il attendait qu'elle se lève pour le suivre, Aurora regarda autour de lui. Ils étaient dans les Plaines de la Mort, il ferait bientôt nuit, et bizarrement, aucun monstre n'était visible. Aucune bestiole à l'horizon, pas même un petit lézard des sables. Cette ambiance était inhabituelle, voir même sinistre. Comme pour dissiper ses craintes, le cri d'un aigle des montagnes vint lui lécher les oreilles. Ce n'était qu'un cri lointain, mais ça le réconfortait de savoir qu'il y avait encore âme qui vive. Il se retourna et se retrouva à deux centimètres du visage d'Aimie. Elle était belle, et Aurora l'avait toujours bien aimé. Il lui avait même fait plusieurs fois des avances en espérant qu'elle cède, mais elle ne lui avait jamais dit oui. Pourtant la place qu'elle aurait au sein de la société était enviable en tout point, mais elle n'en voulait pas, "Je préfère rester un soldat" lui avait-t-elle dit un jour.

- Là, tu vois, j'aimerais bien t'embrasser, dit-il ironiquement.

Voyant qu'elle soupirait et qu'elle préparait une giffle, il se dépêcha de changer de sujet avant qu'elle ne le mette K.O. Il la prit par la main et l'emmena un peu plus loin pour que personne ne les entendent. Ils restèrent debout, ça ne serait pas très long, et de toute façon il n'y avait rien sur quoi s'assoir.

- Je vais aller droit au but. J'aimerais que tu t'occupe de notre nouvelle amie. Amuse-là, fais-lui prendre un bain et se sentir bien, car elle en a encore pour un petit moment avec nous. Est-ce que tu peux faire ça pour moi ?

- Je ne vais pas le faire pour toi, mais pour elle, lui répondit-elle avec un sourire vengeur.

- Je savais que tu accepterais, merci.

Il l'embrassa sur la joue et retourna auprès des autres qui s'était levés pour la plupart. Visiblement ils avaient décidé d'installer le camp pour la nuit ici et Aurora n'allait pas les contredire, à vrai dire il était aussi un peu fatigué pour aller plus loin. De plus, il y avait tout ce qu'il fallait ici, une grande oasis, et des arbres plus ou moins solides pour y attacher les toiles de tente. L'un des soldat avait allumé un petit feu au milieu des personnes qui ne s'acquittaient d'aucune tâche et que Aurora reconnut immédiatement comme étant magique car il fournissait beaucoup trop de chaleur et de lumière par rapport à sa taille. Il n'alla pas tout de suite s'assoir parmi ceux qui ne faisaient rien mais se dirigea plutôt vers son chameau qui transportait ses affaires. Il farfouilla dans les sacs accrochés sur les flans de la bête pour en sortir un petit étui de cuir rigide dans lequel ce trouvait deux petits coussins verts moelleux. Il y restait encore l'emprunte de la fiole que le roi remit à sa place. Il rangea l'étui dans un sac et retourna s'assoir avec les autres. Il ne fut pas surpris de ne plus voir Sara assise parmi eux.

Sara était donc là à continuer son repas quand il vit Aurora se pencher sur Aimie. De toute évidence, il semblait vouloir s'entretenir avec elle à l'écart. La jeune aventurière pencha la tête sur le côté en observant leur manège. Le regard et l'attitude de l'homme étaient éloquents : Aimie lui plaisait. Cependant la jeune fille ne s'attarda pas sur ce fait et entreprit d'observer ce qui se passait autour d'elle. Plusieurs soldats lui tournaient le dos un peu plus loin et Sara se demanda ce qu'ils pouvaient bien fabriquer. Quelques secondes plus tard, un feu était allumé. La jeune fille fut surprise par la chaleur qu'il dégageait alors qu'elle se tenait à quelques mètres, et la lumière également : elle dû cligner des yeux à plusieurs reprises pour s'habituer à l'éclat des flammes. Aucunes des personnes présentes autour d'elle ne lui prêtait encore attention et en les entendant rire entre elles, Sara se sentit embarassée. Bien sur elle était habituée à ce qu'on l'évite, plus jeune, les enfants de son âge n'avaient jamais insisté pour que la petite fille les rejoigne autour d'un cercle ou les suivent afin de se rendre au lac quelques heures. Ce n'était donc pas une première, mais elle venait tout de même de s'engager à rester en leur compagnie pendant quelques temps. Elle termina son assiette tout en pensant qu'il y avait au moins Aimie, qui, elle, semblait se soucier de son état. Enfin... Peut-être se sentait-elle tout simplement forcée...

Elle était plongée dans esprits en fixant vaguement les alentours quand la silouhette d'Aimie vint dans son champs de vision. Sara, toujours assise, leva les yeux pour contempler le visage de sa plus ou moins amie. Elle lui décrocha un vague sourire forcé mais Aimie lui disait déjà de la suivre, en accompagnant ses paroles d'un geste de la main. Intriguée, Sara se leva et la suivit de près, tout en passant devant les autres soldats. Les deux jeunes femmes s'enfoncèrent dans les broussailles et continuèrent leur marche pendant quelques longues secondes. A l'abri des regards se trouvait un point d'eau. Son étendue n'était pas vaste mais l'on en voyait pas le fond et il y avait bien de quoi faire quelques brasses. Sara se tourna vers Aimie, sans avoir besoin de lui demander le pourquoi de leur présence ici : son amie prenait déjà la parole.

- Je pensais qu'un brin de toilette ne pourrait pas te faire de mal ...

Elle prononça ces mots presque sur un ton d'excuse mais ceux-ci étaient accompagnés d'un sourire amusé. Sara ne pouvait pas lui en vouloir, il était clair que son apparence ne devait pas être très nette. La jeune fille n'avait jamais connu le luxe, c'est pourquoi se laver en se trempant dans un petit lac lui convenait, ça ne la dérangeait pas non plus de garder les mêmes vêtements sur elle, régulièrement elle les nettoyait à la main, mais ce soir-là, elle n'aurait pas le temps de les laisser sécher. C'est pourquoi, loin d'être pudique, Sara se dévêtit sans être gênée le moins du monde sous les yeux d'Aimie. Celle-ci les détourna néanmoins, par réflexe.

Une minute plus tard, Sara était immergée dans l'eau. Elle nagea quelques instants sur place, profitant de la fraîcheur de l'eau et de l'effet apaisant qu'elle avait sur ses muscles endoloris par son périple. Elle s'immergea quelques instants complètement sous l'eau puis réapparu un peu plus loin, là où elle avait pieds. Elle se contenta de frictionner chaque partie de son corps à l'aide de ses mains afin de se nettoyer. C'est d'ailleurs ce qu'elle faisait tout le temps. Son hygiène était presque irréprochable cependant. Elle connaissait l'existence de certains produits à base de plantes, sencés nettoyer la peau avec plus d'ardeur mais Sara s'en fichait éperduement. Surtout lorsqu'on vivait à la sauvage, tout comme elle.

Elle ressortit de l'eau quelques instants plus tard, débarassée de la crasse et de quelques traces de boues sur son visage et son corps. La différence était saisissante. Auparavant elle était presque laide, n'ayant comme signe de féminité que ses longs cheveux blonds tressés mais sales, et ses vêtements. A présent, bien que son visage semblait particulièrement sensible à certains endroits car rougis par le soleil, on pouvait parfaitement dicerner ses traits d'une certaine beauté. Quant à ses yeux verts, ils étaient étonnament vifs à cause de sa peau de plus en plus halée. Ses cheveux trempés dégoulinaient encore dans son dos lorsqu'elle revêtit à nouveau ses vêtements et sa peau encore luisante mais elle ne s'en soucia pas. Elle se sentait mieux , elle se sentait vivante. Et surtout, elle avait eu un moment d'intimité. En présence d'Aimie, certes, mais la présence d'une autre femme ne la dérangeait pas. Pendant tout ce temps, Sara n'avait pas décroché un mot, mais elle ne ressentait pas le besoin de combler le silence. Il n'était pas gênant. Plutôt reposant. Tout semblait plus simple en compagnie d'Aimie. Elle la remercia tout de même. Cette petite séance lui avait fait énormément de bien. Et elle se sentait un peu plus femme, un peu moins masculine.

Lorsqu'elles revinrent au camps, la nuit était parfaitement tombée mais le feu crépitait avec force et l'espace était tout à fait éclairé. Sara, elle, était méconnaissable. Les hommes étaient pour la plupart assis et riaient entre eux. De toute évidence, un sujet hilarant était en cours et Sara ne put s'empêcher de rester à l'arrière, dans l'ombre d'Aimie, s'étant aussitôt dit que le sujet hilarant, ce devait être elle.

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